
Prédiction du diabète de grossesse par
les microARN
Prédiction du diabète de grossesse et de la sensibilité à l’insuline maternelle par les microARN sanguins mesurés au 1er trimestre de grossesse
Chercheurs responsables & collaborateurs
Luigi Bouchard TM. PhD. MBA (Chercheur responsable), Cécilia Légaré PhD, Véronique Desgagné PhD, Kathrine Thibeault BSc, Frédérique White MSc, Andrée-Anne Clément PhD, Cédrik Poirier MD, Michelle S. Scott PhD, Pierre-Étienne Jacques PhD, Patrice Perron MD. MSc. FRCPC, Renée Guérin PhD. CSPQ. FCACB, Marie-France Hivert MD. MSc.
Financement
Instituts de Recherche en Santé du Canada, Fondation de ma vie du CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean – Hôpital Universitaire de Chicoutimi et Diabète Québec.

Lieu de l'étude
Saguenay–Lac-Saint-Jean et Estrie
Pourquoi?
Le diabète de grossesse (DG) est une maladie diagnostiquée entre la 24e et la 28e semaine de grossesse. Il se manifeste par un niveau trop élevé de sucre dans le sang, lequel origine d'un problème de transport du sucre dans les cellules. L’efficacité du transport dépend de la sensibilité des cellules à l’action de l’insuline, qui le stimule. Le DG affecte jusqu'à 26% des grossesses et augmente le risque pour la mère d’accouchement par césarienne, de donner naissance à un bébé de grand poids et de développer un diabète de type II (DT2) dans les 5 ans post-partum et, pour l’enfant, de développer de l’obésité ou un DT2 plus tard dans sa vie.
Le nombre de femmes souffrant de DG est en hausse depuis les 20 dernières années.
Malheureusement, les outils dont nous disposons actuellement nous permettent uniquement de diagnostiquer et de traiter un niveau de sucre sanguin élevé qu'une fois le DG présent, soit après qu'il ait commencé à affecter la santé de la mère et de son bébé.
En conséquence, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande que le DG soit détecté et traité plus tôt dans la grossesse. Jusqu'à présent, diverses tentatives ont été faites pour trouver des biomarqueurs capables de prédire le développement du DG, mais aucune n'a abouti à des résultats concluants. La découverte des microARN ouvre la voie à de nouvelles opportunités. Les microARN sont de courtes séquences génétiques qui contrôlent de nombreux aspects de la biologie, le plus souvent en réduisant la production de protéines cibles. Ils peuvent voyager d'un organe à l'autre par le biais de la circulation sanguine, et agir à la manière d’une hormone. Ils pourraient ainsi révéler des déséquilibres biologiques précoces qui apparaissent avant que le DG ne se développe. Des études récentes ont révélé leur énorme potentiel pour suivre l'évolution des maladies. Nous posons l’hypothèse que les femmes qui développent un DG ont un profil en microARN sanguin qui leur est spécifique dès le 1er trimestre de grossesse, lequel reflète les déséquilibres biologiques liés à cette maladie.
Le DG affecte jusqu'à 26% des grossesses et augmente le risque pour la mère d’accouchement par césarienne, de donner naissance à un bébé de grand poids et de développer un diabète de type II (DT2) dans les 5 ans post-partum et, pour l’enfant, de développer de l’obésité ou un DT2 plus tard dans sa vie.
Objectif
Identifier, dès le 1er trimestre de grossesse, des microARN sanguins capables de prédire le développement du DG, puis identifier les mécanismes biologiques qu’ils pourraient contrôler.
Avancement des travaux et résultats
Une évaluation du risque plus efficace et plus tôt en grossesse permettrait aux professionnels de la santé d’intervenir plus tôt auprès des femmes à risque et de potentiellement prévenir l'apparition de la maladie et ses effets néfastes sur la santé de la mère et de son enfant
En utilisant la technologie de séquençage de nouvelle génération, nous avons identifié l’ensemble des microARN présents dans le sang de 444 femmes de la cohorte Gen3G et de 316 femmes de la cohorte 3D, au 1er trimestre de grossesse. Nous avons identifié 17 microARN associés au DG de manière commune aux deux cohortes. Parmi ceux-ci, 3 microARN, une fois combinés aux facteurs de risque classiques du DG (âge, indice de masse corporelle (IMC), historique de diabète, historique de DG, hémoglobine glyquée), prédisent le risque de développer le DG avec une performance supérieure aux facteurs de risque classiques employés seuls. Les deux seuils que nous proposons permettent d’identifier les femmes à risque élevé de DG, lesquelles pourraient bénéficier d’un meilleur suivi médical plus tôt en grossesse et d’un programme de prévention du DG, ainsi que les femmes à faible risque de développer un DG, lesquelles pourraient possiblement être exemptées du test de diagnostic du DG, leur évitant les nombreux désagréments de ce test.
La sensibilité des cellules à l’action de l’insuline est un aspect important de l’adaptation du métabolisme du sucre maternel pour supporter la croissance du foetus et est débalancé chez les femmes souffrant de DG.
Nos travaux ont permis d’identifier 39 microARN dont le niveau dans le sang maternel au 1er trimestre de grossesse est associé au niveau de sensibilité des cellules maternelles à l’insuline au 2e trimestre de grossesse. Ensemble, 18 de ces microARN, le nombre de semaines de grossesse ainsi que l’âge et l’IMC maternels prédisent 36% du niveau de sensibilité à l’insuline, suggérant que les microARN puissent contribuer à initier et à supporter l’adaptation du métabolisme du sucre maternel dès le 1er trimestre de la grossesse. De plus, nos recherches à travers les bases de données ont permis d’identifier un rôle potentiel des microARN associés au DG ou au niveau de sensibilité à l’insuline dans le contrôle du métabolisme des gras. Celui-ci subit d’ailleurs des adaptations normales en cours de grossesse, notamment au 1er trimestre où davantage de graisses sont mises en réserve chez la mère afin de subvenir à ses besoins et à ceux du fœtus plus tard dans la grossesse. Les microARN pourraient vraisemblablement contribuer à cette adaptation.
De manière intéressante, 10 microARN sont associés à la fois au DG et à la sensibilité à l’insuline: tous sont moins abondants dans le sang des femmes qui développent un DG et sont moins abondants chez les femmes dont la sensibilité à l’insuline est la plus faible, ce qui est souvent le cas chez les femmes avec un DG. De plus, 6 de ces microARN sont produits presque exclusivement par le placenta (un organe d’origine fœtale) et leur abondance dans le sang augmente avec le début de la grossesse ainsi qu’au cours du 1er trimestre; suggérant un rôle des microARN d’origine fœtale dans l’adaptation du métabolisme du sucre de la mère afin de répondre aux besoins énergétiques du fœtus.
En somme, nos travaux ont permis de mieux comprendre les mécanismes biologiques menant au développement du DG, lesquels s’initient dès le 1er trimestre, avant même que les symptômes ne se déclarent quelques mois plus tard. De plus, nos recherches proposent, grâce à la mesure de quelques microARN dans la sang maternel au 1er trimestre de grossesse, l’amélioration des outils actuels d’évaluation du risque de développer un DG. Une évaluation du risque plus efficace et plus tôt en grossesse permettrait aux professionnels de la santé d’intervenir plus tôt auprès des femmes à risque et de potentiellement prévenir l'apparition de la maladie et ses effets néfastes sur la santé de la mère et de son enfant. L’identification d’un seuil de faible risque de DG pourrait éviter les désagréments du test de diagnostic du DG aux femmes concernées, ainsi que les coûts liés à cette procédure; dans l’optique d’une médecine personnalisée.
Retombées
Publications
Légaré C, Desgagné V, Thibeault K, White F, Clément AA, Poirier C, Luo ZC, Scott MS, Jacques PÉ, Perron P, Guérin R, Hivert MF, Bouchard L. Plasmatic miRNAs measured in the first trimester of pregnancy are associated with fasting glucose levels during tolerance test performed between the 24th and 29th week of pregnancy. Manuscrit en préparation.
Légaré C, Desgagné V, Thibeault K, White F, Clément AA, Poirier C, Luo ZC, Scott MS, Jacques PÉ, Perron P, Guérin R, Hivert MF, Bouchard L. First trimester plasma microRNA levels predict risk of developing Gestational Diabetes Mellitus. Front Endocrinol (Lausanne) 2022 Nov 11;13:928508. doi: 10.3389/fendo.2022.928508. eCollection 2022.
Légaré C, Desgagné V, Poirier C, Thibeault K, White F, Clément AA, Scott MS, Perron P, Guérin R, Hivert MF, Bouchard L. First trimester plasma miRNAs levels predict Matsuda-estimated insulin sensitivity between the 24th and the 28th week of pregnancy. BMJ Open Diab Res Care 2022;10:e002703. doi:10.1136/bmjdrc-2021-002703.
Légaré C§, Clément AA§, Desgagné V, Thibeault K, White F, Guay SP, Arsenault BJ, Scott MS, Jacques PÉ, Perron P, Guérin R, Hivert MF, Bouchard L. Human plasma pregnancy-associated miRNAs and their temporal variation within the first trimester of pregnancy. Reprod Biol Endocrinol. 2022 Jan 14;20(1):14. § Ces auteures ont contribué de manière égale à cette publication.