Programmation
de l’obésité durant
l’enfance par la méthylation de l’ADN
Étude des modifications épigénétiques induites par l’exposition fœtale à l’hyperglycémie de la mère pendant la grossesse et de leur implication dans le développement de l’obésité infantile.
Chercheurs responsables & collaborateurs
Luigi Bouchard TM. PhD. MBA (Chercheur responsable), Amélie Taschereau BSc, Kathrine Thibeault BSc, Véronique Desgagné PhD, Sabrina Faleschini PhD, Renée Guérin PhD. CSPQ. FCACB, Catherine Allard MSc, Patrice Perron MD, Diana Juvinao-Quintero PhD, Sharon M. Lutz PhD, MSc. FRCPC, Marie-France Hivert MD. MSc.
Financement
Instituts de Recherche en Santé du Canada et Fonds de recherche du Québec en Santé
Lieu de l'étude
Saguenay–Lac-Saint-Jean, Estrie et Boston (Massachusetts, USA)
Pourquoi?
L’obésité est une maladie chronique aujourd’hui répandue dans la majorité des pays du monde et touchant toutes les catégories d’âge. Sa prévalence est en constante augmentation depuis les dernières décennies, et de manière encore plus importante chez les enfants. L’embonpoint et l’obésité affectent 1 enfant sur 4 au Canada, et jusqu’à 80% des enfants obèses le demeureront à l’âge adulte. L’obésité constitue un facteur de risque important de diabète de type 2 et de maladies du coeur, lesquels pourraient survenir plus précocement lorsque l’obésité est présente dès l’enfance.
Reflétant l’épidémie d’obésité, les femmes enceintes sont également plus à risque de développer un diabète de grossesse, lequel se manifeste par une quantité trop élevée de sucre dans le sang (hyperglycémie) et est diagnostiqué par un test d’hyperglycémie orale provoquée (HGOP) réalisé entre les 24e et 28e semaines de grossesse.
Cette condition est délétère pour la femme qui la développe, mais également pour l’enfant exposé, chez qui on observe une augmentation du risque de développer des maladies chroniques, dont l’obésité, plus tard dans sa vie. Le développement du fœtus dans ce contexte peut programmer sa prédisposition à la prise de masse grasse.
Il est reconnu que les modifications épigénétiques, dont la méthylation de l’ADN est la plus étudiée, participent aux adaptations physiologiques sous-jacentes. La méthylation consiste en l’ajout d’une molécule chimique à l’ADN, sans toutefois en modifier la séquence. Elle modifie la manière dont le code génétique est lu et influence donc l’expression des gènes. Ces modifications épigénétiques, acquises pendant le développement du fœtus, sont plutôt stables au courant de la vie et ont été associées à la programmation de diverses maladies chroniques, dont l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le développement de l’obésité durant l’enfance, lesquels sont actuellement peu connus, est donc importante afin de soutenir des approches préventives plus efficaces.
L’obésité constitue un facteur de risque important de diabète de type 2 et de maladies du coeur, lesquels pourraient survenir plus précocement lorsque l’obésité est présente dès l’enfance
Objectif
Faire la lumière sur les mécanismes épigénétiques et les gènes impliqués dans la programmation de l’obésité infantile suivant l’exposition du fœtus à un niveau de sucre élevé dans le sang de la mère pendant la grossesse.
Avancement des travaux et résultats
Nos études contribuent à mieux cerner le rôle des mécanismes épigénétiques dans la programmation métabolique fœtale de l’obésité infantile
À l’aide d’une puce permettant l’analyse de 850 000 sites potentiels de méthylation de l’ADN dispersés à travers le génome, nous avons déterminé les profils de méthylation de l’ADN de 440 enfants de la cohorte Gen3G à la naissance (sang du cordon ombilical) et de 293 de ces mêmes enfants âgés de 5 ans (sang). Un total de 194 dyades mère-enfant disposant du profil de méthylation de l’ADN de l’enfant aux deux temps de mesure de même que des niveaux de sucre mesurés lors du test d’HGOP réalisé entre les 24 et 28e semaines de grossesse chez la mère ont été sélectionnées. Nos analyses statistiques ont permis d’identifier 9 gènes dont le niveau de méthylation de l’ADN à la naissance est affecté par l’exposition du fœtus au niveau élevé de sucre dans le sang de sa mère pendant sa grossesse et pour lesquels cette altération est encore perceptible à l’âge de 5 ans. Ces résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle l’hyperglycémie de la mère pendant sa grossesse entraine des modifications épigénétiques (méthylation de l’ADN) chez sa progéniture qui perdurent de la naissance jusqu’à l’âge de 5 ans.
Suivant une approche ciblée et basée sur la littérature, nous nous sommes aussi intéressés au lien unissant le gène SERPINE1 (produisant la protéine PAI-1) et l’adiposité dans l’enfance. Un niveau élevé de PAI-1 dans le sang a été associé à l’obésité et à la résistance à l’action de l’insuline (une hormone stimulant le transport du sucre dans les cellules) dans plusieurs études, tandis qu’une inhibition de PAI-1 a un effet protecteur contre le développement de l’obésité et de la résistance à l’action de l’insuline induites par la diète chez la souris. Le gène SERPINE1 pourrait donc vraisemblablement contribuer au développement de l’obésité. Grâce aux profils de méthylation de l’ADN mesurés dans le sang à l’âge de 5 ans chez les enfants de la cohorte Gen3G, nos analyses ont montré qu’un niveau faible de méthylation de l’ADN au gène SERPINE1 était associé à une adiposité supérieure chez les filles âgées de 5 ans.
En bref, nos études contribuent à mieux cerner le rôle des mécanismes épigénétiques dans la programmation métabolique fœtale de l’obésité infantile.
Retombées
Publications
Taschereau A, Thibeault K, Allard C, Juvinao-Quintero D, Perron P, M. Lutz S, Bouchard L, and Hivert MF. Maternal glycemia in pregnancy is longitudinally associated with blood DNAm variation at the FSD1L gene from birth to five years of age. Clin Epigenetics. 2023 Jun 29;15(1):107.
Taschereau A, Desgagné V, Faleschini S, Guérin R, Allard C, Perron P, Hivert MF, Bouchard L. SERPINE1 DNA methylation quantified in blood cell at five years of age are associated with adiposity and PAI-1 plasma levels at five years of age. International Journal of Molecular Sciences. 2022; 23(19):11833. https://doi.org/ 10.3390/ijms231911833.